QUOI ?

Un atelier philo est un espace collectif de co-construction où l’on traite de questions ou de sujets philosophiques, c’est-à-dire « qui touchent au sens, aux valeurs et aux finalités de l’existence » [1]. La porte d’entrée philosophique veut dire que la recherche est orientée vers des réponses qui sont élaborées et critiques, invitant à penser par le doute, le questionnement et l’argumentation. Dès lors, les opérations de l’esprit telles que l’argumentation (définir, exemplifier…), la conceptualisation, la problématisation, la catégorisation et la reformulation, sont centrales.

Ce processus permet à l’individu de comprendre sur quoi se basent les croyances qu’il a, d’apprendre à décoder « sa carte du monde » ainsi que la société dans laquelle il vit, de manière à devenir un sujet singulier qui a la compréhension de ce qui lui arrive, du récit qu’il crée sur sa propre existence, du type de relations qu’il noue et de la manière dont il agit dans le monde.

[1] TOZZI Michel, Penser par soi-même : Initiation à la philosophie, Chronique sociale, 2002

COMMENT ?

Dans ces ateliers, il est important pour moi d’allier l’aspect collectif de la discussion à un retour individuel qui la clôture au travers d’une production artistique. Cette production vise à une réappropriation individuelle et fait partie intégrante du dispositif pédagogique mis en place.

Concrètement, les ateliers démarrent par l’annonce des règles qui vont régir l’atelier, notamment concernant tout ce qui a trait à la parole. À partir de la lecture d’un livre ou de tout autre média qui met la pensée des participants en mouvement et pique leur curiosité, les participants proposent des questions dont les enjeux sont problématiques.

Ensuite, nous entamons une discussion à caractère philosophique, c’est-à-dire rigoureuse, contradictoire et  argumentative.

La discussion se termine toujours sur une multitude de possibilités qui n’auront pas été abordées et ces questions en suspens sont précieuses pour maintenir l’étincelle du questionnement philosophique. Le moment de la création permet de se réapproprier le contenu de la discussion en clôturant sur un temps créatif alliant liberté et légèreté.

POUR QUI ?

La pratique philosophique, entendue comme recherche de modèles d’existence et tentative de rendre le réel compréhensible, est partagée entre tous les hommes, y compris les enfants. Chacun, qu’il ait ou non connaissance de tel ou tel philosophe, habite l’existence d’une certaine manière, produit une pensée sur le monde qui l’entoure, nourrit des croyances et des représentations et des questionnements en constante évolution, qui vont lui permettre d’ordonner et d’organiser les choses de telle sorte qu’elles aient du sens.

Les enfants ne font pas exception à cette quête de sens. Dès leur plus jeune âge, ils posent en effet des questions et les « pourquoi » qui commencent leurs phrases s’étendent à des domaines qui laissent bien souvent les adultes cois. Ces questions sont autant de chances pour les enfants de se positionner et d’investir une place dans les réseaux relationnels auxquels ils prennent part, dans la société dont ils sont les citoyens et dans le monde de manière globale.

PAR QUI ?

La philosophie pratique est un outil d’analyse critique qui vise à décoder le réel et se veut profondément démocratique dans son rapport au savoir, l’animateur de l’atelier est donc un maître qui invite à penser. Dans cet esprit, il ne prend pas part à la discussion sur le plan du contenu.

L’enfant est considéré, pour reprendre un concept de Lévine, comme « interlocuteur valable », digne producteur d’une pensée originale. À ce titre, je développe en tant qu’animatrice une posture d’équivalence en ce qui concerne son droit à penser qui se traduit par une non-intervention au niveau du contenu.

L’atelier ne se fait pas sur ce que l’adulte sait ou croit savoir (« moi je n’apporterai pas de réponses, je ne poserai que des questions »). Considérés comme acteurs du monde, dignes d’être écoutés, entendus et questionnés, les enfants acquièrent une certaine confiance en eux. Il ne s’agit donc pas d’un lieu de transmission. Le dispositif vise à émanciper l’enfant et à l’amener à examiner rigoureusement ses pensées. Car c’est à condition que les enfants puissent exprimer leur pensée que le travail critique peut être entamé.

POURQUOI ?

La réflexion, la pensée et l’élaboration philosophiques peuvent nourrir et accompagner un enfant, et évidemment un adulte, pour l’aider à devenir qui il est, à se positionner, à investir le monde, mais aussi simplement à traverser l’existence. L’atelier philo, en tant qu’espace où une parole peut être dite, décortiquée, posée, renvoie à l’enfant que ce qu’il a à dire à de l’intérêt, engage sa responsabilité vis a vis de sa parole de manière rigoureuse, lui permet d’expérimenter la contradiction et sa manière d’y répondre.

Par conséquent, il permet de venir soutenir son estime de soi, de se rendre compte de la valeur et de la force de sa parole ainsi que d’expérimenter l’altérité par l’avis contradictoire, mais pacifique, apprentissage indispensable au sein d’une démocratie qui promeut le vivre ensemble.

Les enfants ayant participé à certains de mes ateliers considèrent leur utilité en ces termes : « apprendre des choses par les autres », « apprendre ce que c’est la philosophie », « à réfléchir et à comprendre », « à parler, poser des questions, dire ce qu’on pense et pourquoi ceci et pourquoi cela », « à s’exprimer », « à apprendre des choses en parlant ».

QUI SUIS-JE ?

Je suis éducatrice spécialisée et j’ai toujours travaillé dans le secteur de l’aide à la jeunesse en Belgique. J’ai mis en place des ateliers philo avec des enfants en foyer d’accueil et utilise des mécanismes de questionnement avec les familles en difficulté auprès desquelles j’intervenais. Je suis formée aux nouvelles pratiques philosophiques par un certificat universitaire proposé par l’Université de Liège et l’association belge Philocité, mais aussi par une série de formations « Philo dell’Arte » organisées par le pôle philo du Centre de laïcité du Brabant wallon, en Belgique.

J’ai également mis en place des ateliers dans des écoles spécialisées en Zambie et au Népal dans un cadre de volontariat. Je suis convaincue de la puissance de cette pratique qui favorise l’estime de soi en accordant une place centrale aux préoccupations des enfants et à l’articulation de leur pensée, en invitant les enfants à saisir la portée de leur parole et la responsabilité qu’elle induit, ainsi qu’en les aidant modestement mais profondément à devenir des individus singuliers, uniques et conscients de leur pensée.